Banquet/Meeting du 6 décembre 2015: intervention de Joran Jamelot, secrétaire de l'Union locale CGT du 15ème
Fixé de longue date pour des raisons de salle au 6 décembre, notre banquet fraternel de fin d'année a coïncidé avec plusieurs événements politiques graves. Nous avons décidé de solliciter plusieurs prises de parole sur cette situation, en cette occasion de rassemblement de camarades et amis. Notamment celle de Joran Jamelot, secrétaire de l’Union locale CGT du 15ème. La CGT a refusé l’état d’urgence après les attentats, constatant que « le gouvernement Valls/Macron n’a pas attendu les attentats pour procéder par coups de force, pour pratiquer l’intimidation, la provocation, la répression du mouvement social. » Le secrétaire de l’UL revient sur les luttes principales menées dans le 15ème en 2015 et leur situation actuelle, sur les traits nouveaux de la bataille idéologique menée par le gouvernement et le patronat et la nécessité d’adapter la riposte, sur recherche de convergences et de perspective politique de changement exprimée dans les luttes.
PCF Paris 15ème, repas fraternel du 6 décembre 2015, rencontre politique
Intervention de Joran Jamelot, secrétaire de l’Union locale CGT de Paris 15ème
Chers camarades, chers amis,
A l’invitation de la direction du PCF Paris 15, j’interviens ce matin avec la casquette CGT, pour vous faire part de quelques réflexions et analyses qui traversent nos syndicats et l’UL du 15ème sur les récents événements et les perspectives pour 2016.
Je vous transmets les salutations d’Alain Casale qui a envoyé au PCF Paris 15 son soutien personnel aux positions prises après les attentats. Il est en vacances, bien méritées, au Brésil. Comme vous le savez sans doute, Alain est parti à la retraite cette année et j’ai été désigné pour lui succéder au secrétariat de l’UL avec une direction collective, en charge de soutenir et animer l’activité syndicale de plus de 2000 syndiqués parmi 140.000 salariés travaillant dans notre arrondissement…
La CGT est l’une des très rares grandes organisations du pays à ne pas s’être entièrement alignée sur « l’Union nationale » demandée par Hollande. Elle s’est notamment opposée à la pérennisation de l’état d’urgence. Elle a annoncé au pouvoir qu’il ne devait pas compter sur une quelconque « trêve sociale ».
Cette réaction correspond à ce qu’ont vécu les salariés en général, ceux qui luttent en particulier, notamment cette année. Le gouvernement Valls/Macron n’a pas attendu les attentats pour procéder par coups de force, pour pratiquer l’intimidation, la provocation, la répression du mouvement social. Ils profitent maintenant cyniquement de l’état d’urgence d’aller plus loin jusqu’à restreindre le droit de manifester.
Avec des arrière-pensées politiciennes, le gouvernement a fait passer la loi Macron à coups de trois recours à l’article 49-3. Elle fait déjà ses ravages que ce soit avec la concurrence déloyale permise aux autocars contre le service public ferroviaire SNCF ou avec la banalisation du travail du dimanche. Sur ce dernier point, avant les attentats et la période de Noël, les sections CGT notamment de la FNAC se sont mobilisées. L’UL les a soutenues alertant les salariés des autres commerces du 15ème devant le risque pour les conditions de travail voire pour leur emploi même et la population. Cette lutte va s’intensifier sous des formes qui ne sont pas encore définies.
Les directions des entreprises publiques ne sont pas en reste. A la RATP, au dépôt d’autobus de Croix-Nivert notamment, la direction sanctionne et révoque à tour de bras frappant des militants syndicaux ou n’importe quel salarié pour créer un climat de peur et, en même temps, supprimer des emplois. Les motifs sont plus futiles les uns que les autres, jusqu’à reprocher à un machiniste d’avoir conduit le pantalon retroussé un jour de canicule ! L’action des camarades de la section CGT – que je salue – est remarquable. A chaque fois, elle mobilise sur la base de la solidarité ouvrière et mets, indissociablement, les revendications contre la casse du service public en avant. Après les attentats, le pouvoir et les médias pointent un phénomène religieux particulier à la RATP. Nous ne découvrons pas que la direction de l’entreprise s’est, dans certains dépôts, délibérément appuyée sur des militants communautaristes pour mieux faire passer sa politique. Mais, pour les camarades, il est absolument hors de question de laisser soupçonner des collègues, quel que soit leur niveau de piété, d’être des assassins en puissance. Ils mobilisent dans les luttes contre la direction, face aux réactionnaires et aux collabos, les agents quelles que soient leurs origines. C’est notamment là que se créent la solidarité et la fraternité, mots si galvaudés depuis les attentats.
Parmi les coups de force qui doivent faire parler et lutter encore, il y a le PPCR dans la fonction publique : le « protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations » des fonctionnaires. Il rentre dans une logique de casse du statut de la fonction publique. La CGT s’est exprimée contre. Contre son engagement solennel, le gouvernement fait passer le PPCR malgré l’opposition de syndicats représentatifs majoritaires ensemble aux élections. Voilà le vrai visage du « dialogue social » ! Dans l’immédiat, les fonctionnaires territoriaux, notamment régionaux, risquent d’être les plus concernés. Leur mobilisation se développe.
Les fonctionnaires hospitaliers sont aussi concernés. L’année 2015 aura été marquée par une lutte d’une ampleur inédite à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Nos syndicats CGT de l’HEGP, de Necker et de Vaugirard s’y impliquent pleinement. Le directeur général Martin Hirsch, ex ministre de Sarkozy nommé par la gauche, est obligé de combiner passage en force et hypocrisie. La mobilisation et les manifestations du printemps ont été tellement puissantes contre son plan de suppression de jours de repos qu’il est obligé de recourir au « dialogue social ». Mais il revient à la charge cet automne avec un accord signé par la seule CFDT, ultra-minoritaire et contestée dans ses propres rangs. Cette provocation ne passe pas. La bataille du printemps a également détruit l’argumentation absurde de Hirsch qui prétendait faire travailler plus pour moins supprimer d’emplois. Enfin, un très large soutien dans l’opinion publique s’est exprimé. Le soir du 13 novembre, nos services étaient à cran. La qualité du service public, le dévouement des personnels ont été salués par tous. Hirsch s’en vante dans les revues américaines. Et en récompense au personnel, il veut encore et toujours les faire travailler plus et supprimer des postes ! Pendant que Hollande promet des embauches de policiers ! Non, cela ne passe pas, ne doit pas passer. La CGT a déjoué l’interdiction de manifester en occupant au début de cette semaine le siège de l’AP-HP. La colère et la détermination des agents sont toujours très fortes. Pour l’instant, elle ne peut plus s’exprimer de la même façon qu’en juin. Mais la partie est loin d’être gagnée pour Hirsch, comme pour la ministre Touraine au plan national. Je salue les camarades de Necker présentes.
La suite des attentats et l’état d’urgence font nationalement ressortir les provocations du pouvoir à Air France. Au soir de l’histoire de la chemise déchirée, Valls utilisait les mêmes mots que le soir des attentats du 13 novembre. Des salariés d’Air France ont été arrêtés au petit matin comme, un mois plus tard, de présumés terroristes. En octobre, cela ne passait pas parmi les salariés et dans l’opinion. Après le 13 novembre, cela ne passe plus du tout. D’autant plus que, depuis, on sait tout sur la stratégie délibérée de la direction et du DRH d’opposer les catégories de personnel, de les faire chanter sur leur emploi à chacun. Une grande solidarité de classe s’exprime derrière Air France. Plusieurs d’entre nous étaient à la manifestation de mercredi 2 à Bobigny, congestionnés par les CRS. Cégétistes, nous ne séparons pas cette solidarité des revendications essentielles : la mise en échec du plan de suppression de 2900 emplois et la poursuite du démantèlement de ce qui reste du service public d’Air France entamé par la privatisation de Jospin.
Méfions-nous des manipulations et provocations perfides du pouvoir, sous l’état d’urgence : la simple expression de la colère n’est pas la forme de lutte la plus efficace en ce moment. La répression incroyable et scandaleuse qui s’est abattue sur les militants écologistes dimanche dernier à République – certains sont assignés à résidence – nous révolte mais ne saurait nous faire adopter leur cause et leur moyens d’action comme modèles et références.
Chers amis, chers camarades, les conditions encore plus dures de la lutte des classes qui s’annoncent en France nous amènent une fois de plus au rapport entre le politique et le syndical. La grande journée d’action du 9 avril a montré l’existence d’une avant-garde prête à lutter, à faire grève, par centaines de mille, à la recherche de points de convergence et d’unité.
Dans la CGT, nous réfléchissons sur l’objectif de la semaine de 32 heures. Mais son actualité, quand les 35 heures n’existent pas en réel, est peu évidente. Et nous ne saurions défendre la supercherie des lois Aubry.
Le changement en 2017 ? On nous a déjà fait le coup en 2012, en cassant notamment la force du rassemblement pour la retraite à 60 ans de 2010.
D’ici 2017, je voudrais attirer l’attention sur la grave signification des récents propos de Gattaz appelant à faire barrage à Marine Le Pen aux régionales. Gattaz a osé assimiler les positions de Le Pen à des positions de gauche. Il a apporté sciemment une vraie aide à la démagogie sociale du FN. Dans le même temps, suivant la logique d’union contre le FN, il tente de se présenter comme étant du même côté que les syndicats qui appellent, de leur côté, ensemble à s’opposer à Le Pen. Leur plateforme commune qui vante l’Union européenne est très également très discutable et pose problème à bien des camarades. Ne laissons pas le rejet du FN effacer les oppositions de classe fondamentales !
Le lien entre syndicalisme et politique, et notamment entre CGT et partis de gauche, ne peut pas se concevoir par l’affichage d’élus en écharpe « aux côtés » de ceux qui luttent ou par la présence, cooptés en casting, de syndicalistes sur des listes électorales.
Je pense que les cégétistes du 15ème ont apprécié l’action de leurs collègues communistes et de la section du PCF à La Poste lors de la grève de l’an dernier mettant au centre l’emploi, à la SNCF contre la réforme ferroviaire, contribuant à faire changer le vote des députés Front de gauche – à l’hôpital, en lien avec l’opposition à la fermeture des centres de santé municipaux, etc.
Mais le besoin de politique pour les syndicalistes, pour les cégétistes va au-delà.
Comme le PCF, la CGT tient son congrès confédéral en 2016. Des questions cruciales seront – espérons-le – posées. Notamment celle de l’appartenance à la Confédération européenne des syndicats, la CES, partie prenante institutionnelle de l’UE capitaliste. En septembre, le congrès de la CES s’est déroulé à Paris sous le patronage de Hollande et de Juncker. Nous avons été beaucoup à protester. Nous sommes beaucoup à penser que les luttes nationales et internationales contre le capitalisme ne peuvent s’imaginer avec la CES. Le rapport avec les analyses de partis politiques comme le PCF est direct.
Récemment, dans Le Monde, notre nouveau secrétaire confédéral, Philippe Martinez, a, d’une certaine façon, lancé le débat du congrès en affirmant que le « syndicalisme est par essence réformiste ». Les turpitudes connues en 2015 avec l’affaire Lepaon ne sont peut-être pas si étrangères à cette affirmation.
Nous sommes très nombreux à penser toujours la nécessité d’un syndicat révolutionnaire, se battant pour des réformes immédiates…
A l’UL du 15ème, les camarades sans appartenance politique ou d’appartenances différentes travaillent en bonne intelligence.
L’existence d’un parti communiste, plus communiste, plus révolutionnaire, et pas seulement dans le 15ème, est – je crois pouvoir le dire -, en tout cas je le pense, très souhaitable ! Encore plus dans la période actuelle.
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