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Compte-rendu de la conférence-débat organisée par le PCF Paris 15 « L’enseignement de l’histoire : un enjeu de lutte »

28 Juin 2017 , Rédigé par PCF - Section Paris 15ème Publié dans #Education nationale, #Histoire - Notre mémoire

Le nouveau gouvernement n’a pas caché sa volonté, en matière d’enseignement, de continuer voire d’accentuer les attaques menées contre le service public d’éducation. Le programme du nouveau ministre Blanquer c’est la destruction du baccalauréat national, c’est le renforcement du rôle des chefs d’établissement devenus de véritables petits patrons, c’est la propagande patronale à l’école, c’est la continuité des manques de moyens pour enseigner et étudier… Face à tous ces mauvais coups à venir, la riposte doit se préparer dès maintenant ! C’est dans cette perspective, que la section du 15e arrondissement du PCF a organisé samedi 10 juin une conférence-débat sur le thème de « l’enseignement de l’histoire : un enjeu de lutte ». Trente camarades ont répondu présent pour venir écouter et débattre autour de la présentation faite par Joëlle Fontaine et Gisèle Jamet, toutes deux enseignantes d’histoire dans le secondaire et auteurs du livre Enseignement de l’histoire. Enjeux, controverses autour de la question du fascisme. Les interventions ont été suivies d’un débat riche sur les évolutions de l’enseignement de l’histoire en France. Ci-dessous, nous vous proposons un compte-rendu de cette rencontre.

 

 

Une histoire dogmatique au service de la défense du système capitaliste

 

Les interventions de Joëlle et Gisèle ont montré comment depuis les années 1970 les différentes réformes de l’éducation nationale, et en particulier les réformes des programmes d’histoire, ont contribué à grandement affaiblir les savoirs transmis et à gommer tout aspect critique de la discipline afin de présenter aux élèves le système capitaliste comme inéluctable. Au fil des réformes l’objectif semble être de plus en plus clair. L’histoire n’a plus vocation à donner aux jeunes les clés de compréhension du monde passé et actuel pour qu’ils puissent se forger un esprit critique face aux discours politiques ou médiatiques. Au contraire, l’enseignement de l’histoire cherche à présenter l’ordre capitaliste comme un modèle économique, social et politique seul porteur de progrès. Pour aboutir à cela, plusieurs réformes de fond ont été mises en place.

 

     La fin de l’approche chronologique

 

Sous couvert de suivre les évolutions historiographiques universitaires (évolutions d’ailleurs discutables et largement discutées à l’université) les programmes du secondaire ont abandonné la présentation chronologique pour la remplacer par une présentation thématique. C’est ainsi qu’en classe de première générale les élèves étudieront la seconde guerre mondiale avant d’avoir parlé du nazisme ou des empires coloniaux… Pour les concepteurs de ces programmes, les élèves sont censés acquérir les bases chronologiques au primaire, ce qui n’est bien que rarement le cas. Cette approche thématique aboutie alors à un brouillage très important chez les élèves qui ont du mal à replacer tous les évènements étudiés dans une suite logique. En classe de terminale, seule une minorité d’élèves maîtrise les grands repères historiques de l’histoire française et internationale. Il s’agit des élèves qui ont acquis l’autonomie suffisante pour replacer par eux-mêmes les évènements étudiés dans une évolution chronologique ou qui peuvent être aidés à la maison. Le constat est donc clair, la fin de l’approche chronologique (tant vantée par le ministère) abouti à un affaiblissement des connaissances chez les élèves et à une accentuation des inégalités sociales à l’école.

 

Avec la fin de l’approche chronologique, c’est aussi la fin la fin de la notion de causalité en histoire. Les programmes prescrivent ainsi aux enseignants d’étudier des phénomènes historiques sans en expliquer les causes, ou tout du moins en n’insistant pas dessus. C’est ainsi que la première guerre mondiale devient le simple résultat de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand à Sarajevo… C’est ainsi également que la seconde guerre mondiale se déclenche sans lien apparent avec la crise de 29, avec les tensions impérialistes ou encore avec le développement du fascisme en Europe ! Cela vient encore un peu plus brouiller les repères des élèves puisque les raisons profondes et toujours multiples des faits historiques étudiés sont éludées. Les élèves sont ainsi contraints d’étudier des faits qu’ils ne comprennent pas.

 

     Des programmes structurés autours de concepts dogmatiques

 

L’approche chronologique est aujourd’hui entièrement remplacée par des concepts universitaires là encore discutables et très discutés. L’enseignement du fascisme dans le secondaire est aujourd’hui traversé par deux concepts essentiels ; celui de brutalisation et celui de totalitarisme.

 

La brutalisation est un concept selon lequel la première guerre mondiale crée une « violence de masse » qui traverse l’ensemble de la population et qui va ainsi conduire l’Europe vers le totalitarisme et la seconde guerre mondiale. Le fascisme et la guerre ne seraient donc désormais que le résultat d’une population habituée et consentante à la violence. Ce concept permet ainsi de balayer d’un revers de main les raisons réelles de l’existence du fascisme. Rien ne sera dit aux élèves sur la crise structurelle du capitalisme après 1929, sur les tensions impérialistes ou encore sur la volonté d’une partie de la bourgeoisie de s’appuyer sur les organisations fascistes pour faire taire le mouvement ouvrier.  Ce concept de brutalisation permet en définitive de faire porter la responsabilité du fascisme sur l’ensemble de la population (une notion bien vague…) en laissant volontairement de côté les questions de classe.

 

Le second concept utilisé à outrance est celui de totalitarisme. Ce concept historique est forgé dans les universités américaines au début de la guerre froide afin de servir d’outil théorique de lutte contre l’URSS. Le principe est simple ; le fascisme et le communisme sont deux régimes similaires ! Ce concept caricatural est bien évidemment inopérant pour comprendre le XXe siècle mais cela ne semble pas déranger les concepteurs des programmes qui en font un concept structurant. En classe de première, on présente ainsi aux élèves l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie et l’URSS comme trois régimes semblables, chacun placé sous la direction d’un homme fort : Mussolini, Hitler ou Staline. Les nombreuses différences sont gommées et tous les points qui ne rentrent pas dans cette grille de lecture sont tout simplement effacés des programmes. Rien ne sera par exemple dit aux élèves sur le rôle des communistes, en France, en Allemagne, en Italie ou encore en Espagne dans la résistance antifasciste. En effet, comment expliquer que le communisme et le fascisme sont deux mouvements similaires alors que les communistes ont été au premier rang de la lutte contre le fascisme ? A cela, les concepteurs des programmes y répondent par une simple réécriture de l’histoire.

 

     Des connaissances remplacées par des compétences

 

Une des grandes transformations récentes de l’enseignement est l’introduction des compétences. Désormais, l’objectif de l’école n’est plus de transmettre des connaissances et des savoirs aux élèves, mais des compétences, c’est-à-dire des savoir-faire et des savoir-être. L’origine de ces compétences se trouve au niveau européen où l’idée apparaît dès les années 1990, en particulier sous l’influence du grand patronat. En France, c’est en 2005 avec la loi Fillon qu’est introduit le Socle commun des connaissances et des compétences qui transcrit, presque mot à mot, les directives européennes. Désormais, un élève en fin de troisième devra maîtriser huit compétences, comme par exemple « la maîtrise de la langue française », « les compétences sociales et civiques » ou encore « l’autonomie et l’esprit d’initiative » (traduction de la directive européenne qui dit quant à elle les choses plus clairement « l’esprit d’initiative et d’entreprise »). Les compétences remplacent ainsi les savoirs et permettent de justifier la casse d’un enseignement exigeant en termes de connaissances. Cela vient aussi modifier le rôle même de l’école qui n’est plus conçu comme un lieu permettant aux jeunes d’apprendre dans un objectif d’émancipation. L’objectif de l’école est désormais beaucoup plus clair ; transmettre à tous les jeunes des compétences essentielles pour devenir un futur travailleur exploitable et docile !

 

 

Finalement, les attaques menées contre les programmes d’histoire, et plus généralement contre le service public d’éducation, sont très cohérentes. Les connaissances et les repères chronologiques sont affaiblis et remplacés par des concepts flous et dogmatiques. Les savoirs sont remplacés par des compétences conçues comme le plus petit dénominateur commun. On ne donne ainsi plus aux élèves les éléments leur permettant d’être critique mais au contraire on les incite à ne surtout pas questionner le monde qui les entoure. Toutes les tentatives historiques de contestation de l’ordre capitaliste sont associées au fascisme et le libéralisme est érigé en doctrine unique et seule capable de mener la société vers le progrès. Les programmes d’histoire actuels sont avant tout dogmatiques et servent à préserver un capitalisme en crise structurelle ! L’école est de plus en plus pensée comme un lieu de formation de futurs travailleurs exploitables et dociles ! Les attaques à venir contre le système éducatif accentueront encore un peu plus ces dérives. Face à cela, il semble urgent de travailler à la reconstruction d’une organisation de classe capable de porter un projet politique et intellectuel global permettant de remettre en cause l’hégémonie de l’idéologie capitaliste. Il est également urgent de préparer la riposte pour empêcher les attaques à venir contre le système éducatif et pour construire une école qui réponde aux intérêts de l’ensemble de la jeunesse du pays. Une école gratuite, une école critique, une école émancipatrice !

Possibilité d'achat de l'ouvrage auprès de la section (mail : pcfparis15@orange.fr
) ou directement sur le site l'éditeur.

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