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NON à l'élargissement de l'UE

10 Décembre 2003 , Rédigé par Beaudeau Publié dans #"Europe": NON à l'UE du capital

Discours prononcé au Sénat par Marie-Claude Beaudeau, seule sénatrice, seule parlementaire communiste à avoir voté contre « l’élargissement » du l’Union européenne.

Le 10 décembre 2003

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à vous entendre, les dix pays qui vont entrer dans l'Union européenne n'ont que des amis qui leur souhaitent la bienvenue. Pour ma part, amie sincère de ces dix pays, je ne peux pas leur souhaiter ce que je ne souhaite pas à mon peuple : l'Europe du capital ; je ne peux pas non plus leur souhaiter ce que j'ai toujours combattu et continue à combattre : les traités, directives et règlements européens qui font sa domination.

M. Dominique de Villepin ne tarit pas de références littéraires et humanistes, et je reconnais son talent pour donner avec lyrisme une dimension « historique » à cet élargissement.

Les textes sont plus prosaïques que ses discours. L'entrée dans l'Union européenne de dix nouveaux Etats, c'est leur entrée dans « un marché unique où la concurrence est libre et non faussée », c'est l'objectif prioritaire de l'Union européenne rappelé dès l'article 3 du projet de Constitution.

Vous insistez sur l'engouement populaire à rejoindre l'Union européenne. Rien n'est moins vrai. Le « oui » à l'adhésion a péniblement atteint 40 % des inscrits aux différents référendums, malgré le battage médiatique et le chantage au chaos orchestrés par les gouvernements.

En République tchèque, en dépit de l'ouverture des bureaux de vote pendant deux jours, la participation électorale fut à peine de 50 %, avec un quart de votes contre. L'un des deux seuls pays où le « oui » est majoritaire, de justesse, est la Lituanie , étrange démocratie où le parti communiste est interdit.

Pour les jeunes qui approuvent l'adhésion, la première motivation est de pouvoir s'expatrier à l'Ouest pour échapper à une vie quotidienne très difficile et à l'absence de perspective d'épanouissement individuel, après dix ans de restauration capitaliste.

On est loin de l'enthousiasme, vous le voyez !

Cet « acquis communautaire » - c'est ainsi que vous l'appelez - que ce traité leur impose de reprendre intégralement, ces peuples peuvent déjà voir à quoi il aboutit, comme ils savent le prix des sacrifices infligés au nom de l'adhésion.

L'expérience de notre peuple, depuis Maastricht, est parlante. Le nombre de chômeurs a augmenté de deux millions dans les pays des Quinze. La précarité de l'emploi s'est étendue comme jamais. Au nom de l'Europe, les services publics, les systèmes solidaires de protection sociale ont été largement démantelés, privatisés, les dépenses publiques et sociales sacrifiées.

Au sommet de Barcelone en mars 2002, les gouvernements européens ont décider de reculer de cinq ans l'âge de la retraite et de mettre en concurrence le marché de l'électricité. Ils s'y appliquent depuis, contre les peuples mobilisés en masse ; on l'a vu en France, en Autriche, on le voit maintenant en Italie.

L'Union européenne s'est révélée n'être qu'une formidable machine de guerre contre les travailleurs, visant à démolir les aquis sociaux et démocratiques de chaque peuple.

Maastricht devait aussi garantir la paix : l'Union européenne a attisé la guerre des Balkans et renforcé la militarisation des Etats membres, en collaboration étroite avec l'OTAN.

Non, je me refuse à présenter ce passif de l'« acquis communautaire » comme un cadeau aux dix futurs membres, lesquels risquent d'être d'autant plus broyés par l'Europe du capital que leur économie sinistrée est passée sous la coupe réglée des multinationales, auxquelles leurs gouvernements sont soumis. La quasi-totalité du secteur bancaire polonais, les deux tiers des entreprises industrielles qui n'ont pas été liquidées, l'essentiel des médias, leur ont été bradés.

Toujours en Pologne, 52 % des familles vivent en dessous du seuil de pauvreté et le taux de chômage officiel frôle les 20 %.

Certains s'imaginent que l'avènement de l'Union européenne va atténuer les effets d'un capitalisme sauvage. Rien n'est moins sûr. L'agriculture des pays de l'Est est déjà vouée à une restructuration dramatique.

Le gouvernement tchèque annonce une remise en cause du système de retraite pour 2004. Les privatisations se poursuivent partout.

Le précédent de la RDA , pourtant annexée par l'Etat le plus puissant d'Europe, est éloquent : après plus de dix ans, le chômage y reste de 20 % et deux millions de personnes, soit plus de 10 % de la population, ont dû quitter leur ancien territoire.

En revanche, l'utilisation par Bruxelles et par le patronat européen des nouveaux territoires de l'Union à l'Est, dont les économies et les Etats sont fragilisés et vassalisés, pour délocaliser et intensifier la concurrence entre travailleurs, le dumping social dans toute l'Union européenne, fait pleinement partie de la logique de l'élargissement.

Madame la ministre, mes chers collègues, hier encore, vous vous réjouissiez de ce que vous qualifiiez de « libération » des pays de l'Est du joug soviétique et de leur souveraineté recouvrée. Aujourd'hui, vous vous réjouissez qu'ils perdent leur souveraineté nationale dans l'Europe supranationale

Pour ces peuples, dont vous vous dites amis, vous avez approuvé un calendrier qui les a fait se prononcer sur leur adhésion avant même de savoir dans quel cadre institutionnel l'Union européenne fonctionnera. Je parle évidemment du projet de Constitution européenne élaborée par la Convention présidée par M. Giscard d'Estaing.

Je n'ai le temps ici que d'évoquer le danger extrême que représente ce texte pour les salariés et les peuples d'Europe. En donnant aux traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice le statut de loi fondamentale, en substitution des constitutions nationales, il vise à imposer de façon irréversible le carcan de l'Europe de la finance et du patronat. De même, il constitutionnalise l'instrument de recul social généralisé en Europe que représente la charte des droits fondamentaux.

Sur le plan institutionnel, il prépare l'avènement d'un Etat européen en instituant un président de l'Union européenne et en étendant la règle de la majorité qualifiée, qui prive les Etats de leur droit de veto.

C'est tout simplement le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, leur liberté, que le principe de Constitution européenne veut abattre.

Vous vous réjouissez de faire entrer dix pays de plus dans cette perspective, dont la plupart des gouvernements ont déjà exclu de nouveaux référendums. Pas moi !

Je refuse le dogme de la nécessité d'une construction européenne, au nom duquel nous devrions tout accepter. Je ne suis ni pour ni contre l'Europe. Elle n'est qu'une réalité géographique.

Ce que j'appelle de mes voeux, c'est le développement de coopérations mutuellement profitables, qui n'ont rien à voir, je le précise, avec les coopérations renforcées prévues par le projet de Constitution, entre nations souveraines, européennes ou non, contribuant à un monde de paix et de progrès.

Je me bats pour la sortie des traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Nice, pour la dissolution de la Commission européenne, pour le respect de la souveraineté nationale de chaque pays à tout niveau, condition de ce qui pourrait être une véritable coopération régionale entre nations d'Europe.

Dans l'immédiat, je m'engage dans la campagne pour exiger un référendum sur le projet de Constitution européenne, qui permette à notre peuple de dire « non » à ce texte, comme à toute constitution européenne. Dans ce combat, les peuples d'Europe, en particulier ceux des dix nouveaux pays de l'Union, sauront s'unir, j'en ai l'espoir.

Fidèle à mes convictions, je voterai contre ce projet de loi, persuadée d'exprimer par ce vote l'opinion de beaucoup d'autres. 

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