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Scandale du déconventionnement et de la vente des logements de la SCIC - M.C. Beaudeau

5 Février 2002 , Rédigé par PCF - Section Paris 15ème Publié dans #Droit au LOGEMENT

Scandale du déconventionnement et de la vente de 60 000 logements de la SCIC

Question orgale au Sénat posée par Marie-Claude Beaudeau, sénatrice communiste, le 5 Février 2002, à Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement (et ci-dessous son intervention du 26 novembre 2001 lors de l'examen de la loi de finance)


Nous ne doutons pas, madame la Secrétaire d’État, de votre engagement personnel en faveur du logement social, mais la décision de la S.C.I.C. de déconventionner 60 000 logements sociaux va à l’encontre de votre politique en ce domaine.

En 1985, le ministre des Finances de l’époque, M. Bérégovoy avait permis à la S.C.I.C. de réhabiliter son parc immobilier en permettant le conventionnement de son patrimoine, mais cette décision s’était accompagnée d’une hausse significative des loyers, compensée, il est vrai, par le versement de l’allocation personnalisée au logement (A.P.L.) aux plus démunis.

Aujourd’hui, la S.C.I.C. va déconventionner plusieurs dizaines de milliers de logements, avec pour conséquences la perte de l’A.P.L. qui permet la survie de milliers de familles, et la sortie du patrimoine social de logements qui, dans certaines communes représentent 10 à 40 % du patrimoine locatif.

Les logements seront mis en vente, mais qui pourra les acheter ? Ce ne sont, ni les locataires, ni des organismes H.L.M. ou les bailleurs sociaux dont les difficultés sont connues. En revanche, des sociétés privées, des banques, des gestionnaires de fonds de pension semblent intéressés. Le rapport du comité de surveillance de 1999 de la Caisse des dépôts rappelait : « la S.C.I.C. a reçu une proposition d’achat concernant 4 110 logements situés en Ile-de-France représentant 2,2 % de l’ensemble du patrimoine. 40 % sont conventionnées. La S.C.I.C. estime le rapport à 1 milliard de francs. L’acheteur pourrait être une société constituée par la Deutsche Bank, et Lone Star ». Un fonds de pension américain. Et M. Balligand poursuivait « l’opération envisagée permettra d’investir dans un patrimoine mieux situé et plus rentable ».

Confirmez-vous ceci ?

Certes, d’après ce rapport, M. le président du comité de surveillance se montre extrêmement réservé sur cette opération. Pourtant le déconventionnement s’est poursuivi. Combien de logements ont-ils été concernés en 2000 et 2001 ? Combien le seront en 2002, même si du fait des élections, des reports sont envisagés ?

Confirmez-vous l’objectif de vente de 60 000 logements dont 12 000 dans le seul Val- d’Oise ?

Le 12 octobre, vous avez écrit aux maires que l’estimation des prix devrait être faite par les services des domaines. Mais cette affirmation est contestée par la Caisse des dépôts qui estime : « d’éventuelles transactions ne pourraient se concrétiser qu’à des valeurs économiques de marché, prenant en compte les critères de valorisation usuels entre un acquéreur et un vendeur ».

La Caisse des dépôts ne défend donc pas les intérêts du logement social. Elle cherche de l’argent, des liquidités. Ne s’agirait-il pas plutôt de constituer une partie du capital de la banque Alliance créée par la fusion de la Caisse des dépôts et de la Caisse d’épargne ? Ce nouveau pôle financier ne cherche-t-il pas à s’engager dans des activités nouvelles spéculatives, comme la construction de bureaux, ou d’activités, de logements de standing ?

Nous souhaiterions que l’argent des loyers soit utilisé autrement !

Je vous demande donc de mettre un terme au déconventionnement et à la vente des logements de la S.C.I.C., de réhabiliter les cités de la S.C.I.C., de renforcer la sécurité des locataires, avec un effort de restructuration et de résidentialisation, en bref de mener véritablement une politique en faveur du logement social.

 

Mme LIENEMANN, secrétaire d’État au logement. Je suis préoccupée par la décision de la S.C.I.C. de procéder au déconventionnement de 60 000 logements, essentiellement situés en Ile-de- France.

Le gouvernement et, en particulier, mon prédécesseur, a d’ailleurs saisi à de multiples reprises la S.C.I.C. de cette question afin que le conventionnement des logements sociaux soit maintenu, mais sans succès. Le législateur avait inscrit cette obligation dans la loi de solidarité et de renouvellement urbain, mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition le 7 décembre 2000. Ainsi nous ne disposons plus d’outils législatifs pour imposer à la S.C.I.C. le maintien du parc social. Je me suis efforcée de convaincre la Caisse des dépôts et la S.C.I.C. J’ai souhaité d’abord passer avec M. Lebègue une sorte d’accord moral, puis un accord social, portant sur le rachat du patrimoine.

La logique qui prévaut à la S.C.I.C. est celle de l’économie de marché. Mais cet établissement oublie, ce faisant, que son patrimoine a été constitué, en grande partie, avec des fonds publics. La Caisse des dépôts détient le livret A, qui a pour objet de financer le logement social. Je l’ai dit à M. Lebègue, qui ne manque pas, avec beaucoup de vibratos, d’évoquer la décentralisation, les élus locaux, le social... Eh bien, je constate qu’il se moque de l’avis des élus locaux et que le logement social ne l’intéresse que lorsqu’il rapporte !

Je suis scandalisée par cette attitude. Mais une stratégie ne peut qu’être fondée sur le dialogue et la conviction, dès lors que la Caisse des dépôts se comporte comme un État dans l’État. Nous œuvrons sur le terrain, avec les communes concernées, en mettant en mouvement, autant que faire se peut, tout le poids qui peut être celui de l’État, pour faire basculer la Caisse des dépôts. Mais j’ai peu de pouvoir de pression sur la caisse ! Je n’en ai qu’un : les crédits publics à la S.C.I.C. seront bloqués tant qu’elle n’adoptera pas une attitude responsable, conforme aux attentes des élus locaux et le maintien du parc social.

 

Mme Marie-Claude BEAUDEAU. Je connais votre position, pour avoir, notamment assisté à plusieurs réunions avant l’été. Je suis un peu étonnée, tout de même, car c’est bien le gouvernement qui assure la tutelle de la Caisse des dépôts. Vous confirmez que l’on ne peut stopper ces déconventionnements. Quelle stratégie adopter dans ces conditions ? Dans l’Est du Val-d’Oise, en particulier à Sarcelles, les locataires sont tellement mécontents qu’ils sont prêts à passer à l’action. J’assistais il y a quelques jours, à une réunion de 250 locataires de cette commune. On a parlé de la loi et de la décision du Conseil constitutionnel, et la possibilité a été évoquée avec force de faire reculer la loi par l’action.

Vous affirmez que vous bloquerez les crédits publics à la S.C.I.C. tant que vos pressions resteront sans effet. Mais les déconventionnements ont déjà eu lieu. La S.C.I.C. doit aussi assurer l’entretien des locaux. Or elle ne le fait pas, et depuis des années. Les locataires estiment que c’est anormal et que la société doit rendre l’argent qu’ils ont versé en quantité pour assurer les travaux.

Je suivrai avec attention ce qui se passe sur le terrain. Je ne sais comment faire plier la S.C.I.C. mais je sais que les locataires sont déterminés et tout de même, le gouvernement existe, Madame !

 

Mme LIENEMANN, secrétaire d’État. Dans le cas de Sarcelles, nous avons fait reculer la S.C.I.C. sur les déconventionnements, conformément à la stratégie très progressive des collectivités locales. Ce dialogue qui a eu lieu à Sarcelles...

 

Mme Marie-Claude BEAUDEAU. Il n’y a pas que Sarcelles !

 

Mme LIENEMANN, secrétaire d’État. Nous allons l’engager dans d’autres communes. L’action des locataires doit converger avec celle des élus locaux, pour éviter la dispersion des énergies. J’ajoute que la S.C.I.C. est l’un des rares organismes H.L.M. à n’avoir pas suivi nos recommandations en ce qui concerne la hausse des loyers. Elle les a augmenté en moyenne de 4 %, alors que pour les autres H.L.M., on est plus proche de 2 %.

 

 

INTERVENTION DE MARIE-CLAUDE BEAUDEAU LE 26 NOVEMBRE 2001 LORS DE L'EXAMEN DU PROJET DE LOI DE FINANCE:

 

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le III de l'article 5 du projet de loi de finance pour 2002 concerne, d'après mes calculs, près de 150 000 personnes, lesquelles occupent les 60 000 logements de la SCIC-Patrimoine, filiale immobilière de la Caisse des dépôts et consignations.
La disposition que l'on nous demande d'adopter prend acte de la disparition du caractère social de ces 60 000 logements.
La SCIC-Patrimoine, qui n'a pas le statut d'organisme HLM, est reconnue par le huitième alinéa du III de l'article 234 nonies du code général des impôts comme un bailleur social institutionnel et bénéficie à ce titre de l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs. Le III de l'article 5 du présent projet de loi de finances supprime cette exonération.
J'estime qu'il faut confirmer, au moins pendant un certain temps, le statut de bailleur social institutionnel de la SCIC-Patrimoine, étant donné non seulement l'ampleur et la gravité, mais aussi l'opacité de l'opération qui est en cours.
La direction de la Caisse des dépôts et consignations a, en effet, entrepris unilatéralement une vaste opération de banalisation et de vente des logements de la SCIC-Patrimoine. Sans aucune consultation des locataires, de leurs amicales ou des élus des villes concernées, et sans afficher son objectif global, la SCIC a procédé à une série de coups de force : ici, au déconventionnement de logements qui avaient bénéficié d'une prime à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, ou PALULOS, là, à la vente d'appartements à leurs locataires aux prix du marché, ou à d'importantes augmentations de loyers pour les nouveaux occupants. Le processus s'est nettement accéléré dans les derniers mois, en même temps que la multiplication des demandes d'expulsion avant le 15 novembre.
Désormais, les objectifs de la Caisse des dépôts et consignations sont clairs : se décharger de la gestion d'un patrimoine jugé insuffisamment rentable au vu des loyers pratiqués, d'autant que d'importants coûts de rénovation sont à prévoir dans un proche avenir, et dégager des fonds propres pour alimenter les activités de CDC-IXIS, qui est en train de s'intégrer dans l'« alliance » CDC-Caisse nationale des caisses d'épargne, pôle financier entièrement voué à des activités concurrentielles et spéculatives.
Dans tous les cas de figure, ce sont les locataires et le logement social en général qui vont faire les frais de l'opération.
Une partie des logements de la SCIC sont ou seront mis en vente après déconventionnement : cette opération les fera sortir du parc social et contraindra les locataires qui le pourront non seulement à s'endetter pour pouvoir rester chez eux mais aussi à prendre en charge d'importantes rénovations.
Une autre partie des logements serait vendue par blocs à des organismes ou sociétés d'HLM. Il s'agirait ou des immeubles dans le plus mauvais état, ou des immeubles - ce sont souvent les mêmes - habités par la population la plus défavorisée.
Or ces organismes sont en situation de grande précarité financière. Ils seront immanquablement amenés à répercuter sur les loyers les dépenses d'acquisition et de rénovation des logements de la SCIC.
Il serait par ailleurs inacceptable que l'on mobilise les moyens, déjà largement insuffisants, consacrés au logement social pour le rachat de logements sociaux existants.
Enfin, troisième possibilité, la démolition de plusieurs immeubles est évoquée.
Je considère que l'ensemble de l'opération constitue un détournement inadmissible de la mission d'un organisme public particulièrement chargé du logement social. La SCIC-Patrimoine doit continuer d'assumer son rôle de bailleur social ou éventuellement transférer l'ensemble de ses logements à la SCIC-Habitat, autre filiale de la Caisse des dépôts et consignations, qui gère son parc sous statut HLM.
En tout état de cause, il est nécessaire d'ouvrir immédiatement un large débat public impliquant tous les acteurs : Caisse des dépôts et consignations, élus locaux, représentants des locataires et ministère des finances.
Cette disposition de l'article 5 du projet de loi de finances, comme la réponse qu'a apportée Mme Lienemann à l'un de mes courriers me font craindre que le Gouvernement ne soit disposé à valider les objectifs de la Caisse des dépôts et consignations et à cautionner sa stratégie du fait accompli.
Pourtant, la mobilisation des locataires, des élus de toute couleur politique, des personnels de la Caisse des dépôts et consignations et de leurs organisations syndicales s'intensifie pour demander un large débat public.
Ma collègue députée, Janine Jambu, au nom de plusieurs municipalités d'Ile-de-France où se trouvent concentrés la majeure partie des logements de la SCIC-Patrimoine, a demandé, par courrier, à rencontrer M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mes chers collègues, il faut donner le temps à la concertation la plus large de se dérouler dans l'intérêt des locataires et du logement social, car je crains que l'importance des conséquences sociales, économiques et politiques, tant locales que nationales, de la décision de la Caisse des dépôts et consignations n'ait pas été bien mesurée.

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