Faire éclater le scandale ICADE : une urgence pour le logement social !
Faire éclater le scandale ICADE : une urgence pour le logement social !
Quelques articles ont, enfin, abordé et dénoncé, notamment dans l’Humanité du 27 juin 2009, le scandale de la vente des logements d’ICADE.
26.034 logements, bientôt 6.647 autres, aux loyers modérés mais sans le statut juridique de logements sociaux, devraient être vendus en 2010 au prix fort, au détriment du financement du secteur HLM et de la construction mais au profit de l’Etat et de spéculateurs immobiliers. De 2 à 3 milliards d’euros ! Et ICADE est toujours une filiale de la publique Caisse des dépôts et consignations, soi-disant acteur central de la relance sarkozienne.
L’affaire n’est pas nouvelle, même si elle atteint son étape finale. Pour gagner aujourd’hui, il ne faut occulter des étapes précédentes.
Avec certains élus communistes, dont Marie-Claude Beaudeau, alors sénatrice communiste du Val d’Oise, avec des amicales de locataires, nous avions fait partie de ceux qui, après 2000, ont dénoncé la politique de déconventionnement et de vente pratiquée par la même CdC, orientée alors par le gouvernement de « gauche plurielle » (Fabius – Lienemann – Gayssot). A l’époque, il y avait encore 60.000 logements sociaux de fait à protéger (voir en lien l’intervention de MC. Beaudeau).
Il se trouve aussi que le nouveau patron d’ICADE, Serge Grzybowski, était entre 2001 et 2006, le directeur général de la foncière Gécina, principal promoteur du projet immobilier spéculatif pharaonique à Beaugrenelle dans notre 15ème arrondissement que nous combattons contre la municipalité de Paris. Gécina a été aussi sous Grzybowski, dont nous avons directement affronté la malhonnêteté en conseil de quartier, l’acteur d’opérations de « ventes à la découpe » qui ont chassé des milliers de Parisiens de leur logement.
ICADE : revenons encore un plus en arrière pour comprendre le scandale et la bataille d’aujourd’hui.
Depuis les années 50, la Caisse des dépôts est un acteur principal du financement mais aussi de la construction de logements sociaux en France. Sa filiale, la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts, la SCIC, fut son bras armé dans ce domaine. Elle assura, notamment en banlieue parisienne, la construction de dizaines de milliers de logements. Selon les situations, certains auront statut de HLM et pas les autres, mais tous sont soumis à des loyers modérés pour loger des familles de travailleurs.
A la fin des années 90, le gouvernement de « gauche » et la CdC décident de séparer le patrimoine de la SCIC entre les logements statutairement sociaux, transférés à la SCIC-Habitat, puis à la SNI, Société nationale immobilière et les 60.000 logements, dépourvus du statut, regroupés dans la SCIC-Patrimoine.
A partir de 2000, l’objectif de la CdC et des gouvernements successifs devient clair : liquider ces 60.000 logements au meilleur prix pour constituer la dot d’une nouvelle société immobilière lucrative évidemment privatisable.
Dans ce parc, il y a de beaux et de moins beaux morceaux, selon la localisation, la proximité des transports, l’état d’entretien du bâtiment. Dans un premier temps, la SCIC-Patrimoine vend et transforme en liquidité les ensembles les plus faciles à céder et déconventionne à tour de bras. A partir de 1985 en effet, pour bénéficier des prêts à la réhabilitation, la SCIC avait conventionné de nombreux ensemble, avec pour conséquence un plafonnement des loyers, qui les dévalorise pour des acheteurs privés… Du coup, la SCIC a déconventionné et utilisé tous les moyens contre les locataires, bientôt sujets à des augmentations de 200 à 300%.
Grâce à cette première phase de liquidation, en parallèle avec des investissements immobiliers dans d’autres domaines (bureaux et commerces), le gouvernement et la CdC ont pu transformer la SCIC-Patrimoine en ICADE, société foncière, cotée en bourse à partir de 2006, même si la CdC en demeure l’actionnaire principal avec 60%.
En 2009, nous sommes arrivées à la phase finale. Des 60.000 logements, il n’en reste plus que 33.000, peu vendables tant ils sont « sociaux » dans les faits, situation aggravée par l’incurie délibérée d’ICADE en matière d’entretien. « Foi publique » disaient-ils !
Maintenant il s’agit donc de refiler ces 33.000 logements à des organismes HLM. Et au prix le plus fort ! Gouvernement et CdC s’activent. Le 30 juin dernier, ils confirment qu’ils ont trouvé un « consortium » d’une vingtaine de bailleurs sociaux, prêts ou forcés, à racheter 26.034 logements pour 2 milliards d’euros d’ici la fin juin 2010.
Le scandale continue !
Après avoir balancé des milliers de logements sociaux de fait, financés par de l’argent public vers le secteur spéculatif, le pouvoir détourne 2 milliards d’euros destinés normalement à la construction de nouveaux logements HLM, pour faire racheter par les acteurs du logement social des logements qui sont déjà sociaux.
6.647 autres logements locatifs d’ICADE, plus « difficiles » à recaser, sont provisoirement conservés dans une nouvelle société ad hoc, créée entre ICADE et la SNI.
En clair.
Les perdants :
- La collectivité, le logement social en général, les organismes HLM, les demandeurs de logement puisque le financement d’au moins 26.000 logements nouveaux est détourné.
- Les communes où se trouvent les logements vendus d’ICADE qui perdent le produit de la taxe foncière après intégration au parc social des ensembles concernés.
Les gagnants :
- Les actionnaires privés d’ICADE qui vont toucher de substantiels dividendes et profiter de la nouvelle valorisation boursière de la société.
- Le gouvernement qui ne manquera pas de ponctionner la part du dividende que touchera la CdC. La « liquidation des bijoux de famille » aide à financer les cadeaux aux grands trusts que le pouvoir contrait la CdC à faire au nom de la « relance ».
- Les futurs groupes privés qui prendront le contrôle d’ICADE après la privatisation totale et de nouveaux investissements juteux, avec l’argent du logement social, dans la spéculation immobilière : centres commerciaux, tours de bureaux… et que sais-je.
Il faut encore ajouter que pour arrondir l’opération de spoliation de la collectivité, l’estimation du patrimoine de logements à vendre d’ICADE est soudainement passée dans ses propres comptes de 1,4 milliard d’euros en 2006 (pour 43.000 logements) à 2,44 milliards d’euros en 2009 (pour 33.000 logements).
Scandales sur scandales ! Il est encore temps d’agir !
Depuis le départ (2000 et même avant), la problème a été de mettre en mouvement toutes les forces en même temps, de déjouer les divisions fabriquées par le calendrier, les différences de statuts et les « compensations » mis en scène par la direction de la CdC et les ministères du logement.
Elles n’ont plus lieu d’être puisqu’on atteint la fin du processus!
Les mobilisations des locataires, d’associations nationales (CNL), de municipalités (de différentes tendances), montent en puissance comme dans le Val de Marne ou à Malakoff.
Tout le monde du logement social, c'est-à-dire tout le monde en fait est concerné.
Pour donner une idée : 26.034 logements, cela représente la moitié du nombre de constructions réelles de logements sociaux en 2004 ou 2005 (derniers chiffres disponibles certifiés par le récent rapport du Conseil d’Etat).
Le groupe communiste au Sénat a déposé une demande de constitution d’une commission d’enquête parlementaire sur ICADE. Elle est pleinement justifiée, appuyons-là (même s’il est contreproductif d’essayer d’épargner les ministres de la « gauche plurielle »).
Dénoncer d’abord, gagner ensuite !
Au moment où le pouvoir assèche et détourne les encours du Livret A, où la Loi Boutin contre le logement social entre en application, la bataille pour le maintien et l’intégration définitive à titre gracieux des 33.000 logements, sociaux de fait, d’ICADE, financés historiquement par de l’argent public, dans le parc social de la Caisse des dépôts et consignations est une bataille prioritaire.
Commenter cet article